Barbara Penner est professeure des « Humanités architecturales » à l’école d’architecture de Bartlett (Londres) et membre du groupe de recherche sur les « Domesticités insurgées » au Centre pour l’Étude des inégalités sociales à l’Université de Columbia. Avec The Bathroom, ouvrage publié en 2013 aux éditions The University of Chicago Press et dont est extrait cet article, elle nous appelle à inspecter le moindre recoin de nos espaces domestiques pour en déceler les vices cachés mais aussi en libérer les désirs et espoirs endormis. Elle cherche plus précisément à comprendre de quelles façons un modèle spécifique de sanitaires — de petits objets en céramique connectés aux réseaux d’eau et d’égouts urbains installés au sein d’un espace dédié et organisé par des rituels précisément orchestrés — s’est installé comme l’unique modèle valable à l’échelle d’une bonne partie de la planète.

Sous un soleil franc, régulièrement balayés par des vents violents, une dizaine de grands champs, lessivés par la culture de vignes arrachées depuis, gisent entre la sortie de l’A9 et le plus grand rond-point de la commune : paysage du business as usual, pas de quoi s’émouvoir à priori. Un entrepôt d’Amazon dans la zone d’activité de la Pale, à Fournès (Gard), c’est évident à première vue note Hugo Soucaze. D’ailleurs la controverse qui s’est développée localement a suscité l’incrédulité médiatique en France et aux États Unis. Une correspondante du New York Times dépêchée sur place s’interrogeait en octobre 2020 sur ce qui pousse un territoire où l’emploi manque cruellement à considérer l’implantation de l’entrepôt comme une plaie — le trafic de poids lourds induit ? la pollution de la rivière ? — interrogations réduisant volontiers le questionnement des habitant·e·s à une inquiétude environnementaliste sans subtilité politique, au mépris de la précarité ambiante.
Hugo Soucaze décide d’aller rencontrer les protagonistes de la lutte anti Amazon, à la recherche du contre récit et de l’alter projet qui en émergent. Au-delà du jeu d’acteur de la controverse et des rapports de forces qu’il a observés, les subtilités politiques qu’il révèle par l’étude des documents et des procédures liés à l’enquête publique dans lesquelles s’ancre le conflit sont sans doute les plus à même de répondre à un enjeu fondamental : la construction d’un nouveau récit démocratique.

Keller Easterling est architecte et professeure à l’Université de Yale aux États-Unis. Ses recherches portent sur les infrastructures et la manière dont elles soutiennent la construction de la ville à une échelle globale. Originalement publié en 2012 dans le journal Places, l’article de Keller Easterling est originellement paru sous le titre « Zone: The Spatial Softwares of Extrastatecraft ». Elle y étudie le dévellopement des zones économiques spéciales et leur statut d’extraterritorialité. Un phénomène qu’Easterling élargit et que l’on a traduit ici par « extragouvernementalité ». Tout l’intérêt du travail d’Easterling (qui n’a encore jamais été traduit en français), réside dans sa manière de détailler toute la complexité du millefeuille de la gouvernance spatiale, technique et économique dans un contexte de globalisation avancée, à partir d’une diversité de cas d’études situés. En nous livrant des connaissances souvent limitées à des fiches techniques et documents bureaucratiques difficilement accessibles, Easterling nous invite à participer à la réécriture du « logiciel spatial » par défaut, qui régit l’urbanisme contemporain associé au libéralisme — et nous offre les clefs pour être en capacité de le pirater.

Nombreux sont celles et ceux pour qui habiter dans l’adversité, vivre dans les ruines du capitalisme, commence souvent, délibérément, par un aveu de faiblesse, une pause, la recherche silencieuse et discrète des bribes d’un autre récit.
C’est ce que nous propose ici Ysé Sorel dans ce texte littéraire centré sur la figure d’Orphée. Ysé Sorel est familière de la douce radicalité qui consiste à commencer par le rêve, à redistribuer le corps et la psychée dans le jeu de l’expérience. Dans un contexte de dérèglement climatique avancé, son article explore une inversion de valeur stimulante entre haut et bas qui porte un potentiel politique fort.